Les origines des enclos paroissiaux.
L’apogée de la construction de ces enclos se situe entre le XVIe et le XVIIe siècle. Souvent qualifié d’art du peuple ou d’art paroissial, car à l’écart des grands centres urbains, c’est un art profondément enraciné dans la culture locale mais aussi très largement ouvert aux influences extérieures, comme le sont les Bretons de cette époque. C’est dans le sud du Léon et dans le nord de la Cornouaille (Finistère) qu’on trouve les monuments les plus remarquables.
Enclos paroissial de Saint-Herbot
L´âge d´or des enclos paroissiaux a coïncidé avec le développement très important du commerce maritime international breton. Les ports du monde entier étaient fréquentés par des navires de commerce bretons tant et si bien qu´au XVIe siècle et au début du XVIIe siècle le breton était la langue commerciale internationale presque au même titre que l´anglais maintenant.
La navigation à voile utilisait beaucoup le lin et le chanvre (voile, toiles, vêtements, cordages), les régions qui cultivaient, tissaient et commercialisaient le lin ont donc connu une extraordinaire période de richesse, ce qui a permis la construction de nombreux enclos paroissiaux dans la zone de culture et de commerce du lin.
Chaque village rivalisait avec son voisin pour avoir le plus bel enclos possible. Ce fut le cas entre les villages de Guimiliau et de Lampaul-Guimiliau distants seulement de 2 ou 3 kilomètres.
Enclos paroissial de Guimiliau
« Une rivalité de bourg à bourg se donne libre essor. Pendant un quart de siècle, on va lutter à coups de fontaines, de calvaires, de chaires, de croix processionnelles. Dans le même temps, les fabriciens de Saint-Thégonnec et de Guimiliau passent commande, les premiers d’un arc de triomphe, les seconds d’un calvaire de 150 personnages bien comptés avec tout un déploiement de reîtres et de lansquenets, tels qu’ils les ont observés pendant les guerres de la Ligue. Aussitôt Saint-Thégonnec, pour ne pas être dépassé, commande les croix des deux Larrons. Pleyben se paye un porche monumental et finit par un calvaire. Guimiliau veut alors un baptistère, un buffet d’orgues, une chaire à prêcher comme oncques on ne vit ! C’est bon ! Saint-Thégonnec lui réplique par une chaire digne de Saint-Pierre de Rome et une mise au tombeau d’un sculpteur morlaisien, Lespaignol. Toutes les paroisses de la montagne solitaire s’enflamment d’émulation : Sizun aura son arc de triomphe, Commana un porche merveilleux et Bodilis aussi ! »
Eglise paroissiale de Saint-Thegonnec.
La rivalité ostentatoire de posséder les monuments les plus beaux, les plus ornementés exprime un certain orgueil paroissial mais traduit aussi la propension au baroque des mandataires et constructeurs qui veulent magnifier l’Église de la Contre-Réforme (la Réforme protestante milite pour des édifices religieux et des offices sobres et sans apparat) propagée par deux missionnaires qui ont une influence considérable et durable en pays bretonnant, Michel Le Nobletz et Julien Maunoir. Cela explique les grands thèmes de la Contre-Réforme qui enrichissent l’iconographie religieuse des enclos : Rosaire, Sainte Famille, ange gardien et saint Joseph, patron des agonisants et de la Bonne Mort.
Les enclos paroissiaux révèlent également la coloration toute particulière qu’ont pris le culte des saints locaux et le culte des morts chez les populations rurales bretonnes nourries du merveilleux celtique qui mêle légendes païennes et piété naïve.
enclos paroissial de Sizun
En avril 1695, un décret royal, confirmé par le Parlement de Bretagne sept ans plus tard, interdit toute nouvelle construction d’édifice ou dans les édifices religieux sans nécessité. La politique commerciale de Colbert et le blocus dû à la guerre de la Ligue d’Augsbourg entraînent une baisse de la production toilière et des exportations agricoles bretonnes, si bien que l’État estime probablement que les dépenses somptuaires engagées à élever les monuments des enclos sont détournées de la voie royale des impôts. Ce décret, même s’il n’est pas appliqué uniformément, met un coup d’arrêt à la construction des enclos paroissiaux.
L’enclos paroissial est un ensemble architectural religieux clos d’un mur, typique de la Basse-Bretagne où on en trouve encore 70 exemples intacts. Quelques enclos sont également répertoriés en Haute-Bretagne comme à Saint-Suliac (Ille-et-Vilaine) datant du XIIIe siècle ou à Saint-Jean-du-Doigt dans la Manche. Les plus célèbres se trouvent en Finistère : Saint-Thégonnec, Guimiliau, Lampaul-Guimiliau, Plougonven, Plougastel-Daoulas, Pleyben. Quelques églises se visitent aussi sur les versants de la vallée de l’Elorn entre Landivisiau et Landerneau.
Pleyben
Un enclos paroissial est au sens strict une église entourée d’un placître voué ou non à un cimetière, que borne un mur d’enceinte. L’enclos doit rassembler au moins cinq des huit éléments suivants :
l’église ;
l’ossuaire ;
la chapelle reliquaire ;
le calvaire ;
le mur d’enceinte ;
la porte triomphale ;
le cimetière dans le placître ;
la fontaine.
Aussi, rares sont les édifices qui peuvent prétendre à l’appellation d’enclos paroissial.
La « Porte triomphale » (ou « Arc de triomphe »)
Elle est nommée en breton Porz ar maro, « Porte de la mort » car elle marque l’entrée du cimetière.
L’Ossuaire
Il recevait les ossements exhumés car l’espace disponible pour les nouvelles inhumations manquait, que ce soit dans l’église même ou par la suite dans les cimetières souvent très petits. Ils étaient de petits réduits attenant à l’église. Les crânes, eux, étaient conservés dans des boîtes à reliques dans des bâtiments plus vastes, soit accolés à l’église ou, de plus en plus souvent, formant un bâtiment séparé. La chapelle reliquaire est parfois un ouvrage très ouvragé doté de fenêtres.
Le Calvaire
Il représente autour de la Passion du Christ, toute l’histoire sainte. Celui de Guimiliau, riche de deux cents personnages pouvait servir à l’instruction religieuse des fidèles. Les thèmes représentés sur les calvaires sont généralement ceux de la vie du Christ (naissance, enfance, Passion, Résurrection), de la mort (thème fréquent en Bretagne, qui trouve ses racines dans la tradition celte), des thèmes liés à la Contre-Réforme également (Rosaire, Sainte Famille, Anges gardiens, ..) ainsi que des saints vénérés localement (Saint Roch, Saint Sébastien, Saint Isidore, etc.). Jusqu’au XIXe siècle, les fidèles et voyageurs pouvaient y observer encore des traces de polychromie (typiquement une tunique rouge pour les personnages romains, ocre et bleue pour les personnages liturgiques).
Généralement les diverses entrées de l’enclos sont barrées par un échalier, dalle de pierre verticale qu’il faut enjamber, cette dalle était destinée à empêcher les animaux domestiques de pénétrer dans l’enceinte sacrée, notamment dans le cimetière. Cette précaution fait que le portique d´entrée, toujours ouvert, comporte une marche pour monter, un petit muret à enjamber et une marche pour descendre. L’enclos était ainsi protégé de l’intrusion animale. On voit très nettement cette particularité à Plouneour-Menez.
Église Sainte-Geneviève de Loqueffret
Initialement, les enclos paroissiaux étaient en herbe, avec éventuellement quelques arbres dont la vente du bois assurait quelques revenus à la paroisse ; les jours de foire, la fabrique paroissiale autorisait la présence de boutiques, bénéficiant des redevances payées par les marchands ambulants. Les morts étaient alors inhumés dans les églises, les places les plus proches des autels étant les plus recherchées. Le sol des églises n’offrant qu’un espace assez restreint, afin de pouvoir procéder à de nouvelles inhumations, l’on retirait les ossements des morts anciens que l’on déposait dans un ossuaire, appelé aussi « reliquaire » ou « charnier ». En 1719, le Parlement de Bretagne interdit l’inhumation dans les églises et même si les recteurs (curés) auront bien du mal à faire respecter cette interdiction, progressivement l’habitude se prend alors d’inhumer les morts hors de l’église, dans l’enclos.